74, la renaissance de Sly Johnson

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De Simple Spirits, au sein duquel il fait ses débuts, à “74”, Sly Johnson a fait beaucoup de chemin. Actuellement en pleine promotion de son tout premier album, celui que l’on appelait autrefois Sly The Mic Buddah s’est confié à SoulRnB. Confortablement installé dans son canapé, l’artiste est revenu sur son parcours et la naissance de son premier opus, “74”, symbole de renouveau pour son interprète. Liesse, sincérité, doutes, passion et mise à nu pourraient être les mots parfaits pour résumer l’entrevue, comme pour définir le contenu d’un des albums phares de cette rentrée. Retour sur ces instants confidences partagés avec Sly Johnson…

 

Salut Sly, tu sors ton premier album le 20 Septembre prochain, comment abordes-tu cette nouvelle aventure ? Salut SoulRnB ! Et bien, je suis E-X-C-I-T-E, c’est le mot !

As-tu des craintes ? Non, je n’ai pas peur, je suis content et fier de cet album. Vraiment. Bon… J’avoue, je t’ai menti, j’ai tout de même un peu peur (rires). Je me demande comment va être pris ce disque, comment il va être reçu. Je me demande si tout ce que j’y ai mis va être, ne serait-ce, qu’entraperçu. Ce sont mes seules craintes car je suis content. Tellement, tellement, tellement content.

Ton album s’intitule “74”, qui est aussi ton année de naissance, pourquoi avoir choisi ce titre ? Et bien, je vois cet album comme un début. C’est un symbole, le symbole d’une vie, le symbole d’étapes, d’un destin musical. Cela symbolise aussi la naissance d’un nouveau Sly.

Et comment est-il ce nouveau Sly (rires) ? Il est bien mieux que l’ancien (rires) ! Il est plus en phase avec lui-même. Le Sly d’avant était très torturé. Le nouveau Sly est beaucoup plus serein, beaucoup plus en paix.

Dans quel état d’esprit as-tu conçu ton album ? Je voulais être franc avec moi-même, c’était le plus important. Être franc musicalement, sincère dans l’interprétation, dans la manière de chanter. J’ai voulu faire tomber les masques et faire sortir mes émotions. Je ne voulais plus me cacher derrière toutes ces autres voix que j’ai pu prendre à l’époque. Là, c’est vraiment moi, c’est ma manière de chanter, c’est ma voix, avec ses petits défauts. C’était mon objectif premier de révéler tout cela.

Que raconte ton album ? Dans cet album, je parle du monde, je parle de prendre confiance, je parle du manque d’amour, toutes ces choses que j’ai vécues pendant très longtemps et que je mets en musique, en paroles. Je me raconte tout simplement. C’est un album très personnel et en même temps, tout ce que je raconte, plein d’autres l’ont vécu et peuvent se reconnaître à certains moments.

Sur ton Myspace, on peut écouter une reprise d’Ann Peebles, “I Can’t Stand the Rain”, cette chanson figure-t-elle sur “74” ? Non, le morceau figure sur l’album de Lucky Peterson sorti début 2009. Cet album se compose de trois disques et s’intitule “Organ Soul Sessions of Lucky Peterson”, on y trouve toute une série de reprises où il joue à l’orgue. On m’a proposé de figurer sur ce projet et j’ai dit “Ouiiiiiiii” (rires). C’était aussi un gros challenge de reprendre ce titre.

Chanson costaud… Y a-t-il d’autres reprises sur ton album ? Oui, chanson très costaud ! J’ai fait deux reprises sur mon album, une reprise du fameux “Fa-Fa-Fa-Fa-Fa” d’Otis Redding et une reprise d’un titre des Korgis, “Everybody’s Got to Learn Sometimes”, qui date des années 80. C’est une chanson qui me touche et qui m’a longtemps accompagné dans mes souffrances. Le titre parle de lui-même. C’était important pour moi de le mettre sur l’album car je le jouais sur scène, d’une part, mais aussi parce qu’il me permet d’exprimer certaines émotions et certains sentiments que j’ai vis-à-vis de ma mère.

On t’a connu maître dans l’art du beatbox au sein du Saïan Supa Crew. Puis on t’a redécouvert dans un registre plus Jazzy, aux côtés d’Erik Truffaz, avec qui tu as sorti un album. Comment définirais-tu ta musique aujourd’hui ? C’est une musique Soul, teintée de funk et de hip-hop, qui sont mes principales influences. Voilà comment je définirais ma musique. “74” est un album de soul… A ma manière.

Tu as sorti un EP, “The June 26th”, en mai dernier, sur lequel on t’a entendu aux côtés d’Ayo. Comment est née cette collaboration ? Ayo et moi, on se connaît depuis longtemps, on s’est toujours apprécié. Je la suis. Elle me suit. Elle m’a observé, a vu mon évolution et m’a surtout poussé à chanter. Elle a toujours crû en moi. Je dirais même qu’elle a toujours su que j’étais un chanteur, avant même que je ne le sache. Du coup, quand j’ai commencé à penser la chanson, à la composer, j’ai naturellement entendu sa voix sur le titre, c’était une évidence. Je lui ai dit “ce morceau est pour nous, pour toi, pour moi” et elle a accepté d’y participer.

Tu as sorti un autre maxi, il y a cinq ans, où tu reprenais le célèbre thème de “Shaft” d’Isaac Hayes, peux-tu nous dire quelles sont tes principales sources d’inspiration ? En fait, à la différence de beaucoup, j’ai de grosses influences hip-hop. J’ai grandi avec la culture rap. Petit, j’écoutais aussi du jazz et beaucoup de salsa. Je ne suis venu que très tardivement à la musique soul-funk des années 60/70, j’y suis venu par le biais du rap, qui m’a fait m’intéresser aux samples, à leur provenance. Je me suis ensuite penché sur le groove de ces musiques et sur tout ce qu’il y a autour. Après, si je dois te citer des noms… Il faut toujours citer des noms (rires) ?!

(Rires) Ah, tu n’es pas forcé, mais c’est vrai qu’on s’intéresse souvent à ce qu’écoutent les artistes eux-mêmes… Dans ce cas, je vais plutôt te parler des artistes qui m’ont marqué. Il y a Rachelle Ferrell, qui est une vocaliste jazz incroyable. Elle m’a vraiment perturbé. J’aime aussi beaucoup Phil Perry, qui a sorti de nombreux albums, lui aussi m’a perturbé. Il y a même un moment où il a chanté de la même manière que moi (rires). Sinon, il y a bien sur Donny Hathaway qui me bouleverse profondément. Dans un tout autre registre, et bien, celui qu’on entend chanter là, en ce moment (ndlr, le bar dans lequel s’est déroulée l’interview diffusait un titre de Bilal). Bilal m’a beaucoup influencé il fût un temps. Un peu trop d’ailleurs (rires) mais j’ai réussi à m’en dégager. Sinon, je suis un grand fan de D’Angelo, un précurseur. Alors lui, c’est… Une pierre, “Boom”, incontournable ! Artiste qui me manque profondément…

Tous les ans, on a le droit à l’annonce du “nouvel album” (rires)… … Ouais, tous les ans, il nous la sort (rires) ! Je crois qu’il a fait un nouveau titre avec un producteur… Mark Ronson ?

C’est exact, Mark Ronson, qui travaillerait avec lui sur ce fameux nouvel album. J’ai entendu la chanson… Et je n’ai pas spécialement accroché. Maintenant, j’espère qu’il le sortira son album. Sinon, pour terminer, je vais te citer un producteur de hip-hop que je suis obligé de mentionner, Jay Dee. Il m’a énormément influencé dans ma manière de beatboxer, de groover. Il nous a vraiment légué quelque chose d’incroyable.

Au cours de ta carrière, on t’a vu collaborer avec Oxmo Puccino, Declaime, Erik Truffaz, Ayo, de très belles collaborations ! Sur “74”, j’ai lu que tu t’étais entouré de Larry Gold, de Slum Village et des new-yorkais de Soulive, c’est toi qui es à l’origine de toutes ces participations ? Comment ça s’est passé ? Pour les musiciens, c’est moi qui ai demandé. On m’a aussi proposé des artistes, le bassiste TM Stevens, Cindy Blackman, qui ont tous deux beaucoup joué ensemble, ce qui a permis d’avoir une bonne base rythmique sur l’album. De mon côté, j’ai demandé Neil Avans (claviers) et Eric Krasno (guitare) de Soulive. Ce sont d’excellents musiciens, ils connaissent aussi bien le registre Soul que les registres jazz, funk ou hip-hop. Ils ont baigné dans ces différents univers, c’était parfait pour moi. J’ai fait ma demande auprès du réalisateur de l’album, qui les a contactés et ils ont tous accepté.

Et pour Slum Village ? Slum Village, c’était une évidence pour moi (rires) ! C’est China qui m’a aidé à rentrer en contact avec eux. Ils ont très vite accepté, je leur ai envoyé le son, ils ont dit “Aaaah bah oui !” (rires). Je suis donc parti une journée à Détroit, après l’enregistrement de mon album. C’était terrible ! Je n’aurais jamais cru faire ça un jour.

Tu as exaucé de nombreux rêves… Avec qui souhaiterais-tu travailler à l’avenir ? J’aimerais bien rencontrer un vieux chanteur de soul, comme Al Green ou Aretha Franklin. Pas obligatoirement pour faire un morceau mais au moins pour passer du temps avec cette personne et comprendre encore plus cette musique, d’où elle vient, pourquoi ils la chantent de telle ou telle manière.

Tu es considéré comme un artiste de scène et entames d’ailleurs bientôt ta tournée, c’est le meilleur moyen d’exister et défendre sa musique, selon toi ? Oui, il n’y a rien de mieux que la scène ! J’ai aussi fait cet album pour ça et quand je vois l’ampleur qu’il prend sur scène, je trouve ça super.

Quelle relation entretiens-tu avec ton public ? Je ne le connais pas vraiment pour l’instant. Je vais le découvrir là, avec ma tournée qui démarre à la fin du mois. Je suis impatient de le connaître…

Tu n’as pas peur de perdre certains fans qui t’ont connu au sein du Saïan ? On va voir… Il y en a qui suivent, je le sais. Après, pour le gros du public, je n’en n’ai vraiment aucune idée. Je me demande même s’ils sont au courant, tu vois, surtout que j’ai changé de nom alors je ne facilite pas les choses (rires). On verra… Nouveau départ, c’est la surprise !

Est-ce qu’on te demande, lorsque tu fais des scènes, de rejouer des morceaux du Saïan Supa Crew ? Oui, ça arrive. On m’a déjà demandé “Angela”, deux-trois fois. Je ne l’ai pas fait parce que ce n’était pas forcément le moment, j’étais sur des projets particuliers, avec Erik notamment, je trouvais donc cela inapproprié. Et si on me le redemandait aujourd’hui… Pourquoi pas ? Tout dépendra de mon humeur (rires).

Quel est ton regard sur l’évolution de la musique aujourd’hui ? Je suis content de voir qu’en France, la porte s’ouvre enfin sur les artistes soul. Je pense à Ben, bien sur, mais aussi à Sandra Nkaké, Lisa Spada. Il y a aussi le collectif formé par Karl TheVoice et Sandra (ndlr, Push Up !), c’est une bonne chose. Maintenant, il manque une vraie communauté Soul/R&B. Il y a plein d’artistes et les choses sont faites. Sandra Nkaké, par exemple, a déjà sorti son album. Pas besoin d’en attendre un deuxième ou un troisième pour découvrir son univers, le boulot est fait ! Alors voilà, il faudrait peut être que tous les amateurs de cette musique, de ce mouvement, unissent leurs forces et soient plus présents. On aurait plus de poids face aux maisons de disques et aux médias. Aujourd’hui, le regard qu’on porte sur nous, c’est encore “Ouais, c’est sympathique, c’est un bon p’tit délire”, alors que non, on est là, tout est là. On a besoin de quelque chose qui fédère davantage.

Bon, tu n’es pas surpris qu’on te parle beaucoup du Saïan, je vais donc te poser la question que l’on t’a déjà posée une bonne centaine de fois, sois prêt… (Rires) Oui, c’est inévitable…

Le Saïan s’est officiellement séparé en 2007, est-ce qu’on peut malgré tout, s’attendre à vous voir un jour à nouveau réunis ou est-ce que la page est définitivement tournée ? La page est tournée, définitivement. Désormais, chacun privilégie sa carrière solo et vu tout ce qu’il s’est passé, je doute qu’un retour en arrière soit possible. Tu avais raison, on n’arrête pas de me poser la question, surtout en ce moment (rires).

Probablement la nostalgie qui parle (rires). A quoi ressemblent tes journées quand tu n’es pas au studio ou sur scène ? Et bien, je suis également DJ. J’adore mixer, pour moi, pour mes amis. Je mixe également avec un ami, DJ JP, à Montmartre, dans un lieu qui s’appelle “Les Coulisses”. C’est un des rares lieux sur Paris où l’on peut jouer librement la musique noire américaine : soul, nu soul, hip-hop plus soulful, etc. Je ne connais pas d’autre endroit où l’on peut vraiment jouer ce style là, de minuit à 6h du matin. Et je trouve qu’on n’en parle pas assez, c’est dommage. On est là bas par passion, pas pour l’argent, on cherche juste à défendre cette musique qui nous tient à cœur et ceux qui l’écoutent. Donc voilà, il faudrait juste en parler un peu plus et aussi parler de JP, qui a vu tout se faire en France, tant la culture hip-hop que la culture soul. Il est l’un des premiers à avoir vendu des disques de soul et de hip-hop ici.

Tu veux nous en dire plus sur ces soirées ? Il y a des soirées tous les week-ends mais JP a sa soirée, la “Black Pearl”. Il a aussi son émission du même nom. C’est un amoureux de soul. Il essaie aussi de mettre en avant les talents français et se bât pour que cette musique soit plus reconnue. Et pour revenir à ta question, quand je ne suis ni sur scène, ni au studio, ni en train de mixer, et bien… Je joue à la console !

Aaah, tous les mêmes ! Et ouais, tous les mêmes (rires) !

Pour terminer, c’est quoi la suite du programme ? Bien, en ce moment, mon clip “I’m Calling You” tourne sur pas mal de chaînes de télévision et un deuxième single devrait vite arriver, lui aussi accompagné d’un clip… Mais quelque chose de beaucoup plus fou !

Et bien, on hâte de voir ça ! Un grand merci pour cette interview Sly et à bientôt !

Dans la playlist SoulRnB de Sly Johnson…

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Discographie

Concert, le 14 Octobre à la Maroquinerie

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